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Testimony on Brexit to the French senate (in French)

Travaux de Commission – Groupe de suivi sur le retrait du Royaume-Uni

Table ronde avec la Fondation Robert Schuman, l’Institut Bruegel et l’Institut Montaigne

27 Septembre 2016 – Senat, Paris

Link video.

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Merci Monsieur le Président,

Merci pour cette invitation,

Je suis très honoré d’être ici et, si vous le permettez, je vais faire mon discours en m’aidant d’un court texte, le français n’étant pas ma langue maternelle.

Je crois que mon intervention sera dans la continuité de ce que Mr Giuliani a dit car nous nous rejoignons sur plusieurs aspects malgré quelques divergences.

Suite à la décision des Britanniques de quitter l’Union européenne, la trajectoire de l’Europe, est une nouvelle fois une question de choix. Dans un monde de plus en plus volatile, ni l’UE, ni le Royaume-Uni n’ont d’intérêt à se lancer dans un divorce qui diminuerait leur influence alors que le rapport de force économique est de moins en moins favorable au monde de l’Atlantique Nord. Les institutions internationales ont été claires : un hard « Brexit » serait couteux pour le RU et pour l’UE. Il nous faut avoir de la croissance et de la création de l’emploi en Europe.

C’est dans cet esprit que j’ai proposé avec quelques collègues y inclus Jean Pisani-Ferry une nouvelle forme de collaboration : un partenariat continental. Dans le cadre du partenariat continental que nous proposons, le Royaume-Uni participerait à une mobilité de biens, des services et du capital mais seulement à une mobilité temporaire ou réduite de la main-d’œuvre. En échange, il perdrait de l’influence politique, son Commissaire à la Commission Européenne, ses membres du Parlement Européen et son droit de vote dans le Conseil. Nous avons souligné que c’est une question politique si ce prix est suffisamment pénalisant.

Nous avons envisagé qu’au sein d’un nouveau conseil, le RU pourrait participer dans des discussions, mais sans droit de vote. Je pense que nous pouvons bénéficier de cette consultation. Par exemple, dans le cadre des politiques de sanction, nous souhaitons que le RU suive une politique commune car autrement les sanctions, par exemple contre la Russie, ne seraient pas effectives.

Nous avons aussi souligné l’importance de l’application des règles communes afin de protéger l’homogénéité du marché unique. Et nous avons aussi souligné que le RU doit continuer de participer au budget européen.

L’Europe ainsi réformée se composerait d’un noyau intérieur, l’UE, pratiquant une intégration politique profonde, et d’une couche extérieure avec une intégration moindre et une participation moins importante au système de décision.

Sur le long-terme, cette configuration pourrait également servir de modèle pour structurer les relations avec la Turquie, d’ailleurs actuellement dans le processus de devenir un membre de l’UE, l’Ukraine et d’autres pays.

Nous avons reçu beaucoup de réponses positives mais aussi beaucoup de réponses négatives (surtout en France et dans le RU) à notre proposition. C’est une bonne chose car mon rôle est d’animer le débat dans nos temps difficiles.

Quelques réponses négatives ont été plutôt de nature tactique dans les négociations et je ne traiterai pas de cette question ici. Evidemment il s’agit d’une question politique de savoir si à court-terme être plus dur permettrait d’obtenir un accord plus favorable plus tard.

Mais sur le fond, laissez-moi répondre à quelques critiques.

Premièrement, proposer un partenariat souple ou « soft Brexit » avec la Grande-Bretagne ne conduirait-il pas à une contagion politique du syndrome “Brexit”?

Je ne peux agréer avec cette idée de contagion politique car elle semble omettre que des accords limitant la circulation libre des individus dans le Partenariat Continental ne seraient accessibles qu’aux pays membres en dehors de l’UE.

En cela, l’unique possibilité pour la Grande Bretagne de négocier et de revenir sur les accords fondamentaux de libre circulation des individus serait d’être en dehors de l’UE et de perdre ses droits de membre de l’UE. Ceci pourrait aussi être un modèle intéressant pour la Suisse, qui, comme vous le savez, souhaite, à la suite d’un referendum, maintenir une relation économique étroite avec l’UE mais participer à la libre circulation des biens et des individus.

Je le répète: il est primordial de saisir la différence qu’il existerait entre appartenir au noyau intérieur, soit être membre de l’UE, et faire partie du cercle extérieur, soit ne pas en être membre, ce qui signifie une perte significative de l’influence.

J’ajouterai que je ne crois pas que nous obtiendrons un consensus politique pour une intégration politique de l’Europe à 27 sur la base d’un accord difficile pour le RU. Le fondement d’une union politique doit résider dans une appartenance libre et choisie par ses membres. Cela passe nécessairement par la clarté des avantages résidant dans cette dernière et par le partage des mêmes objectifs politiques.

Je suis convaincu que l’UE est déjà une forme de collaboration très attractive sans laquelle nous aurions une plus grande difficulté à résoudre nos problèmes communs, comme la crise migratoire, le changement de climat etc. Je crois aussi que nous bénéficions de la libre circulation.

Mais je suis aussi convaincu – et je l’ai dit plusieurs fois – que la zone euro doit faire des progrès. Par exemple, je fais partie du faible nombre d’Académiciens de nationalité Allemande à avoir souligné l’importance d’une assurance commune sur les dépôts (EDIS) afin de renforcer l’union bancaire. Et ce n’est pas le RU qui nous a freinés, malheureusement.

Deuxièmement, la Grande-Bretagne ne serait-elle pas bénéficiaire du Partenariat Continental, aux dépens de certains pays membres de l’UE?

Il est compréhensible pour les travailleurs des pays membres de l’UE de l’Est de l’Europe de s’inquiéter de voir les travailleurs britanniques continuer à avoir accès aux marchés des biens, des services et du capital de l’union alors qu’ils ne pourraient plus avoir eux-mêmes accès au marché du travail britannique. C’est la raison pour laquelle il serait nécessaire d’impliquer les pays du cercle extérieur, dont le Royaume-Uni, dans le budget de l’UE.

Il serait en effet parfaitement légitime de demander une compensation de la part de la Grande-Bretagne envers des pays tels que la Hongrie, la République Tchèque, la Pologne ou la Slovaquie afin de pallier au cout d’une diminution de l’émigration et d’une réduction du bien-être économique.

J’aimerais aussi souligné l’importance de la coopération en matière de sécurité et de défense pour ces pays, notamment pour la Pologne.

 

Troisièmement, la Grande-Bretagne ne pourrait-elle pas être tenter de se livrer a du dumping social et de régulation?

Certaines critiques s’inquiètent de voir la Grande Bretagne ainsi que d’autres pays appartenant au cercle extérieur du Partenariat Continental accéder aux marchés des biens, des services et du capital de l’UE sans pour autant être soumis à la régulation mise en place par l’union. Il s’agit encore là d’une mauvaise lecture de notre proposition. Je le répète, tous les pays membres du Partenariat Continental auront à respecter toutes les règles mises en place par la régulation au sein du marché unique.

J’ajouterai même qu’il est préférable pour les pays membres de l’UE de voir la Grande Bretagne rester à l’intérieur du cadre de régulation de l’Union Européenne car cela limitera ses opportunités en termes de dumping. Il est en effet beaucoup plus facile de pratiquer le dumping en étant en dehors de l’UE.

Quatrièmement, c’est la question du schéma de gouvernance que nous avons proposé.

Il est vrai que le Conseil consultatif envisagé dans le Partenariat Continental ajoute une étape supplémentaire à un processus législatif déjà assez lourd.

Mais d’un autre côté, comme Mr Giuliani l’a mentionné, il nous faut déterminer un moyen de consultation entre partenaires.

Je reste donc ouvert à d’autres propositions mais j’aimerais insister sur l’importance de maintenir des relations de proximité entre les membres du Partenariat Continental.

Pour conclure, notre proposition ne devrait pas être interprétée comme la preuve que nous nous réjouissons du départ de la Grande-Bretagne ou de la limitation de la libre circulation de la main d’œuvre. Nous acceptons juste la décision de nos voisins Britanniques, qui ont fait le choix, par le vote, d’une nouvelle entente entre l’Europe et leur pays, mais qui n’ont ni fait le choix d’une sortie souple ni celui d’un départ en plein de sanctions.

C’est maintenant le gouvernement Britannique et ses partenaires Européens qui font face au choix d’un « Hard Brexit » ou d’un « Soft Brexit ».